En matière de protection des médicaments, les laboratoires pharmaceutiques ont systématiquement recours au brevet d’invention, puis au certificat complémentaire de protection (CCP) afin d’en prolonger les effets.

Mais un autre outil juridique permet à un laboratoire innovant d’interdire la commercialisation de médicaments génériques : il s’agit de la protection des données de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Cet outil est régi par une directive communautaire[1], transposée, en France, dans le Code de la santé publique.

On sait que l’obtention d’une AMM n’est possible, pour un médicament innovant (dit médicament de référence, ou « princeps »), qu’au vu des résultats d’essais cliniques, qui sont longs et coûteux, menés sur des sujets humains de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l’avancement des essais.

Un autre laboratoire peut, dans certaines conditions, obtenir une AMM en démontrant que son médicament est le générique du médicament de référence, c’est-à-dire qu’il lui est équivalent.

Le laboratoire génériqueur fait ainsi l’économie des coûteux essais cliniques et peut se contenter de démontrer la bioéquivalence entre les deux médicaments.

Mais cette procédure allégée n’est accessible qu’après un certain temps suivant l’obtention de l’AMM du médicament de référence.

Ce délai est calculé selon une formule relevant du jeu de l’oie, dite « 8+2+1 ».

– « 8 » : ce n’est tout d’abord que 8 ans après la délivrance de l’AMM du médicament princeps qu’il est possible de déposer une demande d’AMM pour un médicament générique.

Il s’agit bien ici d’une exclusivité portant sur les données de l’AMM.

– « +2 » : le médicament générique en question ne peut être commercialisé avant le terme d’une période de 10 ans (8+2) suivant l’AMM du médicament princeps.

Il s’agit donc ici d’une exclusivité de commercialisation.

– « +1 » : cette période de 10 ans est prolongée d’1 an si le titulaire de l’AMM du médicament princeps obtient, pendant les 8 premières années, une autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle apportant un avantage clinique important.

Là encore, il s’agit d’une exclusivité de commercialisation.

Des dispositions similaires existent notamment aux USA pour limiter le dépôt de demandes d’AMM allégées, dite ANDA (« Abbreviated New Drug Application »), l’exclusivité de principe étant de 5 ans.

Ce système permet au laboratoire innovant de rentabiliser ses investissements, en retardant l’arrivée de médicaments génériques et donc en demeurant seul sur le marché.

On sait que la protection par brevet d’invention, si elle est efficace, demeure complexe, les brevets d’inventions pouvant être annulés par les Tribunaux.

La protection des données d’AMM est donc un outil supplémentaire précieux, dont il ne faut pas négliger l’efficacité pratique.

Olivier MOUSSA, Avocat associé



[1] Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain