Depuis plusieurs années, le développement accéléré des nouvelles technologies est un coup de fouet revigorant pour de nombreuses matières juridiques.

Et ce n’est pas fini ! Les premières formes d’intelligences artificielles sont de plus en plus visibles : robots et algorithmes Google prédisant nos choix ou conduisant nos voitures, robots journalistes écrivant des articles, community managers automatisés, etc. Tous ces objets sont autant de nouveaux challenges pour les praticiens du droit.

Dans ce contexte, certains prophétisent l’apparition d’un droit des robots, alors que d’autres font davantage confiance à la plasticité de notre droit pour s’adapter à ces évolutions.

Bref, n’y a-t-il donc rien de nouveau sous le soleil avec la décision du TGI de Nanterre (vente-privee.com/ M. J-J. N., JKC Finances, 3 décembre 2015) reconnaissant la protection du personnage Cécile de Rostand ?

Dès 2003, la société vente-privee.com avait trouvé une ingénieuse stratégie marketing en personnalisant son service après-vente avec un avatar entité virtuelle et imaginaire – baptisé « Cécile de Rostand ».

Elle lui avait donné un style, une apparence, une personnalité et la faisait vivre sur internet, notamment dans un blog intitulé cecilederostand.com narrant ses aventures depuis le 22 janvier 2004 et par des emails envoyés aux clients de vente-privee.com.

Or, l’un de ces clients a cru malin d’enregistrer, le 8 juin 2010, la marque verbale « Cécile de Rostand », quelques semaines après avoir fait un achat sur ce site.

La société vente-privee.com s’est évidement élevée contre cette récupération en invoquant devant le tribunal un ensemble d’antériorités qu’elle posséderait sur cette dénomination (la marque notoire, le nom commercial, le nom de domaine et le droit d’auteur).

Si le jugement a classiquement reconnu à la société vente-privee.com son antériorité sur la marque notoire et nom commercial, il est plus novateur sur la question du droit d’auteur.

La société vente-privee.com affirmait en effet détenir des droits d’auteur sur le personnage original « Cécile de Rostand », ainsi que sur son nom, notamment aux motifs qu’elle avait créé:

« l’apparence du personnage de Cécile de Rostand« ;

« le caractère de cette jeune femme était emprunt d’une certaine « épaisseur humaine », notamment au regard de son style d’écriture« ;

« Son nom« .

Pour les juges de première instance ces éléments, certes non contestés par M.J-J. N., caractérisent l’empreinte de la personnalité de leur auteur, la société vente-privee.com.

Nous assistons donc à une extension prévisible de la protection par le droit d’auteur de ces robots virtuels, devenant légion sur internet; mais depuis 2003, l’entité Cécile de Rostand, tout comme ses semblables, a fortement évolué.

Aujourd’hui, ces robots sont déjà capables de générer certains contenus limités, d’écrire et d’envoyer automatiquement des réponses aux questions des internautes.

C’est pourquoi, si on ne reconnait pas encore de personnalité à l’I.A., celle-ci existe déjà un peu plus juridiquement aujourd’hui.

Toutefois, un jour prochain, Cécile de Rostand en arrivera sans le moindre doute à prendre de nouvelles initiatives, à créer des données et à interagir librement, pour finalement en arriver à penser par elle-même.

Il sera alors temps de faire ce saut juridique dans le futur.

 

Me Vivien VERGES et Me Gérald SADDE